5.1
Les chimies autres que le carbone
5.1.1
Silicium,
germanium
On a vu que la totalité des formes de vie que l'on trouve sur la Terre sont
basées sur la chimie du carbone. Cet élément possède de nombreuses qualités
lui permettant d'assurer la structure des molécules entrant dans ce processus. Un
grand nombre de ces propriétés proviennent de la tétravalence du carbone.
Dès lors, on a logiquement cherché les mêmes particularités dans les autres
éléments tétravalents.
Observant le tableau périodique de Mendeleïev, on constate que se trouvent
dans la même colonne que le carbone, mais avec une masse atomique supérieure,
le silicium et le germanium. Étant donnée la relative rareté du germanium
dans l'univers, on négligera cette hypothèse pour s'interroger sur ce que
pourrait être une vie basée sur le silicium, élément plus répandu.
Le silicium comme le carbone est tétravalent. On peut donc intervertir dans les
molécules organiques, en expérience de pensée, les deux éléments. Ainsi, on
obtiendra en place du CH4 du SiH4 etc... Ce raisonnement
est possible en théorie, mais de nombreuses propriétés diffèrent dans les
deux familles ainsi crées, dont la principale est la rigidité des liaisons
covalentes entre atomes de silicium. Plus fortement liés entre eux que ceux de
carbone, ces atomes nécessiteront une plus grande énergie pour entrer en
réaction et pour se combiner afin d'atteindre les niveaux de très haute
complexité que l'on observe en chimie organique, complexité nécessaire au
développement de la vie.
C'est en partie à cause de cela que peu de molécules contenant du silicium ont
été observées dans l'espace intersidéral où, on l'a vu, les molécules
prébiotiques à base de carbone ont tendance à se former spontanément
sous l'action des rayonnements traversant l'espace interplanétaire. Seulement
6% des molécules ainsi synthétisées contiennent du silicium, contre 79% pour
le carbone, soit 12 fois moins. Il est à noter cependant que les composés à
base de silicium ont des propriétés catalytiques intéressantes.
Si on admet que les comètes ont été à l'origine de l'apport de ces
molécules prébiotiques sur les planètes et satellites, le rapport de 1/12 est
rédhibitoire pour le silicium. La compétition qui pourrait s'instaurer entre
les deux types d'évolution est favorable au carbone dans des proportions
écrasantes. Cet élément forme des composants bien plus stables, plus variés
donc plus adaptés aux environnements, et surtout plus rapidement. Dans cette
hypothèse, si un embryon de vie à base de silicium a pu apparaître sur Terre
dans le passé, il a du être très vite annihilé par la vie carbonée. Aucun
indice de vie à base de silicium n'a d'ailleurs jamais été trouvé nulle
part.
Il pourrait en être différemment dans un environnement très hostile, bien au delà des pires conditions de la Terre. Ont été envisagés ainsi des écosystèmes dont l'élément liquide serait l'ammoniac. Ce corps est décomposé par le rayonnement ultraviolet omniprésent dans l'univers, en azote et hydrogène. L'azote n'influe pas en retour sur le rayonnement UV, à l'inverse de l'eau dont la dissociation produit de l'oxygène, puis de l'ozone qui y fait écran. Les composés carbonés n'auraient pas leur place dans un tel environnement, le rayonnement ultra violet les détruisant. Par contre, les composés à base de silicium y seraient moins altérés. Cela permettrait à une telle chimie de prospérer, débarrassée de la compétition avec le carbone. Cependant, la présence d'ammoniac liquide implique une température très basse (l'ammoniac est liquide à la pression atmosphérique entre -33 et -78°c), à laquelle les processus vitaux sont très lents. Une telle biochimie reste donc très improbable et a toutes les chances de rester, pour quelques dizaines de milliards d'années encore, cantonnée aux ouvrages de science fiction.
5.2
Les physiques exotiques
5.2.1. Rappel de physique quantique
Au chapitre 2 a été décrite la matière ordinaire qui nous entoure et dont nous sommes constitués, celle que nos sens sont capables de percevoir. Cette matière est formée par les éléments de la première famille, détaillée ci-contre. Un rappel superficiel de physique quantique devient nécessaire ...
Considérant le monde qui nous entoure, on constate qu'existent d'une part la
matière, et d'autre part les interactions (les forces). L'interaction la plus
évidente est la gravitation. La Terre attire la Lune, et est attirée par le
Soleil. Une autre interaction familière est l'interaction électromagnétique
(les aimants).
La matière est composée de molécules, composées d'atomes, composés eux
mêmes de plus petites particules, élémentaires (indivisibles), les FERMIONS.
Les forces sont également composées de particules, plus subtiles, les BOSONS.
On connaît quatre forces. Les deux familières précitées : gravitation et
électromagnétisme, et deux autres au niveau atomique : la force nucléaire
forte, responsable de la cohésion des noyaux atomiques et la force nucléaire
faible, responsable de certains types de radioactivités. N'entrons pas plus
avant dans les détails, car les fermions et bosons eux mêmes se regroupent en
familles selon leurs sensibilités à ces forces. Retenons que les neutrons et
protons, constituants du noyau atomique (voir chapitre 2) sont constitués des
quarks, qui sont donc des fermions. Ce sont les quarks U (pour "up")
et D (pour "down"). Autour de ce noyau se trouvent les électrons,
également des fermions. Quarks U et D et électrons constituent la première
famille de fermions, qui compte un quatrième membre, le neutrino, très
discret. Cette famille suffit pour former toute la matière ordinaire qui nous
entoure.
Les interactions elles sont transportées, à la vitesse de la lumière, par les
bosons. Les bosons de l'interaction nucléaire forte sont les GLUONS,
au nombre de 8. Ceux de la force nucléaire faible sont au nombre de trois : le
W-, le W+ et le Z°. Le vecteur de l'interaction
électromagnétique est le photon (et oui, le même que celui de la
lumière..!), et on cherche toujours le vecteur de la gravitation. On l'a
appelé "graviton", mais il n'a jamais été observé, seulement
prédit par la théorie.
NB:
On pourrait penser qu'en fait, les fermions sont des "billes" de
matière, et les bosons des ondes. En fait, ces particules possèdent toutes une
dualité onde-particule et se comporteront, suivant la façon dont on les
observe, comme l'un ou l'autre de ces états. De plus, le principe d'incertitude
d'Eisenberg énonce que la mesure intervient sur les éléments que l'on observe
et les fixe dans un certain état. Il est impossible de déterminer avec
certitude leur position ou leur vitesse. Certains ont même avancé que chaque
mesure, puisque plusieurs états sont possibles et qu'un seul est observé,
sépare le monde en plusieurs "univers parallèles" et que
l'observation du blanc sous entend la création d'un univers noir (je
schématise). Cette vue de l'esprit a été reprise par les auteurs de science
fiction à de nombreuses reprises. (La physique quantique est source
inépuisable d'inspiration pour ces auteurs, qui ont tendance à extrapoler les
comportements microscopiques ou virtuels au monde réel, pour notre plus grand
plaisir...).
A cause de cela, la meilleure façon de représenter une particule fondamentale
est d'en décrire les propriétés physiques par le biais d'une formule
mathématique statistique à trois variables spatiales et une temporelle,
l'équation de Schrödinger (fonction d'onde).
Les masses de ces particules ne s'expriment pas en kilos ou en grammes, car
elles sont très légères. Sachant que toute masse équivaut à une énergie
par la célèbre formule e=mc², on en déduit que m=e/c² , où m est la masse
en kilogrammes, c la célérité de la lumière en mètres par seconde, et e
l'énergie en joules. Dans les faits, on utilise comme mesure d'énergie celle
acquise par un électron soumis à une différence de potentiel de un volt,
l'électron-volt (eV), et on exprime les masses dans cette unité et ses
multiples : le mégaélectron-volt (106eV=MeV) et le
gigaélectron-volt (GeV=109eV).
Pour tenter d'être complet, notons que, à part leurs masses et leurs charges
électriques, les particules possèdent une qualité nommée spin. Les fermions
ont un spin fractionnaire, les bosons un spin entier. Les bosons et les fermions
se trouvent donc dans un certain état quantique. Les fermions sont
individualistes et, au nom du principe d'exclusion de Pauli, ne peuvent se
trouver ensemble dans le même état quantique. Ils ne peuvent se superposer, ce
que peuvent faire les bosons. C'est une différence fondamentale entre eux. Il
existe aussi des boson non élémentaires, qui sont formés d'un nombre pair de
fermions.
NB: Les bosons possèdent une
cohérence d'ensemble. Tout cela est très théorique, car ces particules sont
évidemment invisibles, mais on peut remarquer ce comportement dans un cas :
l'hélium 4 superfluide. En effet, le noyau de He4, composé de deux
neutrons et de deux protons, est un boson non élémentaire. A la température
de 2,17°k (-271°c), cet élément se comporte comme tel, car la faible
agitation moléculaire due à la très basse température fait que tous les
noyaux occupent le même état d'énergie. Cela produit des effets surprenants.
L'hélium 4 traverse les capillaires les plus fins et grimpe le long des
éprouvettes, par capillarité. Un autre effet de la cohérence d'ensemble des
bosons est celui obtenu avec les photons. C'est le principe du Laser.
On a vu que la matière qui nous entoure et que nous percevons est composée principalement de protons et de neutrons en ce qui concerne les fermions. Neutrons et protons sont composés eux mêmes exclusivement de quarks appartenant à la première famille, les quarks u et d. Cependant, le tableau ci dessus montre deux autres familles de particules, comprenant les quarks c, s, t et b. Ces quarks peuvent également théoriquement se lier et former à leur tour de nouvelles particules. En fait, ces particules demandent beaucoup d'énergie pour apparaître et leur durée de vie est extrèmement brève. On les observe dans les accélérateurs de particules. Trois quarks liés forment un baryon (proton, neutron) et deux quarks forment un meson. Dans les faits, seules des combinaisons des quarks de la première famille et du quark s (pour strange: étrange) de la seconde ont été observés. Le tableau ci-dessous les récapitule, et indique leurs caractéristiques (, Iz= Isospin quantifié (Expression de la propriété d'indifférence de l'interaction nucléaire forte à la charge électrique), Q=Charge électrique, S= étrangeté (Nombre quantique conservé dans l'interaction nucléaire forte et relié à la saveur étrange "strange"), et B=Nombre baryonique (vaut +1 pour un baryon, 0 pour un méson, -1 pour un antibaryon))
SYMBOLE | Structure en Quarks | Iz | Q | S | B | ||
B A R Y O N S
|
p | uud | 1/2 | 1 | 0 | 1 |
Comme on le constate à l'examen de ce tableau, il existe des particules qui ont été isolées dans les accélérateurs et qui sont composées d'autres quarks que les "u" et "d". Ces particules, du fait de la masse importante des quarks mis en jeu, requièrent de hautes énergies encore inaccessibles à la technologie actuelle. Ces énergies seront atteintes dans le futur, et de nouveaux composés ainsi observés (fugitivement). Ce tableau n'est donc pas exhaustif et d'autres particules encore non isolées sur Terre existent probablement. Ce chapitre a pour seul but de détailler la complexité et la diversité de la matière et par extension d'étendre notre domaine d'imagination au delà des frontières habituelles de notre perception. Les conditions de température, mais surtout de gravité et de densités régnant à proximité de certains corps célestes laissent entrouverte la possibilité d'existence de matière et de chimies que nos connaissances actuelles ne peuvent que spéculer. |
n | udd | -1/2 | 0 | 0 | 1 | ||
D++ | uuu | 3/2 | 2 | 0 | 1 | ||
D+ | uud | 1/2 | 1 | 0 | 1 | ||
D° | udd | -1/2 | 0 | 0 | 1 | ||
D- | ddd | -3/2 | -1 | 0 | 1 | ||
L° | uds | 0 | 0 | -1 | 1 | ||
S+ | uus | 1 | 1 | -1 | 1 | ||
S° | uds | 0 | 0 | -1 | 1 | ||
S- | dds | -1 | -1 | -1 | 1 | ||
X° | uss | 1/2 | 0 | -2 | 1 | ||
X- | dss | -1/2 | -1 | -2 | 1 | ||
W- | sss | 0 | -1 | -3 | 1 | ||
M E S O N S |
p+ | sd | 1 | 1 | 0 | 0 | |
p° | uu-dd | 0 | 0 | 0 | 0 | ||
p- | du | -1 | -1 | 0 | 0 | ||
K+ | us | 1/2 | 1/2 | 1 | 0 | ||
K° | ds | -1/2 | -1/2 | 1 | 0 | ||
K° | sd | 1/2 | 1/2 | -1 | 0 | ||
K- | su | -1/2 | -1/2 | -1 | 0 | ||
h° |
uu+dd | 0 | 0 | 0 | 0 |
NB: Le signe
d signifie antiparticule de d.